Les organisations sociales ne sont pas le propre de l’homme. Les fourmis, réunies en colonies, créées des édifices, les fourmilières. Ces constructions sont rendues possibles grâce à une séparation des tâches dans l’organisation.
Ainsi les jeunes fourmis commencent par nourrir les larves et Reines, puis s’attèlent, avec un peu plus d’expérience, à la construction de l’édifice, pour finalement devenir des ouvrières récolteuses et défensives. Ce processus n’est pas figé, mais s’adapte en fonction de la situation, qui peut par exemple en cas de disette, amener un plus grand nombre de fourmis à récolter qu’à nourrir. Chez certaines espèces, une séparation des tâches encore plus précise, peut se faire en fonction de la taille de la fourmie et la forme de ses mandibules.
Cette organisation du travail (Taylorisme animal) permet aux fourmis de survivre: le bénéfice individuel de cette collaboration est ainsi positif. Économiquement, nous pouvons ainsi dire qu’un individu reçoit une externalité positive de la colonie.
En Économie, l’organisation interne des sociétés repose lui aussi sur une organisation du travail, une socialisation: elle permet de garantir des rendements, d’abaisser le point mort, de produire plus. Mais cela reste des facteurs sociaux (l’organisation) interne à l’entreprise.
D’autres facteurs similaires surviennent aussi entre les entreprises. L’on parle de clusters, d’écosystèmes économiques, qui permettent d’améliorer et de faciliter l’activité productive.
Ce gain d’utilité survient grâce à l’effet de réseau, phénomène par lequel l’utilité réelle d’un ensemble dépend de la quantité de ses utilisateurs. A noter que l’effet de réseau résulte très souvent d’une externalité positive mais peut aussi créer des nuisances.
Ce terme peut regrouper des interactions de différents types. Nous allons donc chercher à les qualifier, puis à donner une règle d’évaluation en fonction de son origine.
Avant d’évaluer les externalités associées, essayons de qualifier les réseaux pour y voir plus clair. Nous identifions 4 typologies de réseaux:
  • Réseaux géographiques,
  • Réseaux technologiques,
  • Réseaux commerciaux,
  • Réseaux sociaux,

Les réseaux technologiques apparaissent grâce à la diffusion d’une innovation. L’utilisation de celle-ci est conditionnée par une adoption large. L’on peut ainsi citer internet, téléphone cellulaire, minitel, fax, …
Ils sont le résultat d’innovations technologiques dont l’utilité dépend de la diffusion de celle-ci.

Les réseaux géographiques apparaissent dans des clusters ou bassins propices au développement économique. L’on peut citer la Silicon Valley, la Ruhr, ou encore la région parisienne. Ils sont le résultat d’une concentration géographique de ressources, facilitant les interactions et le développement de l’économie.
Les réseaux sociaux viennent de sous-ensembles d’individus partageant des normes identiques. Ainsi les réseaux sociaux sont familiaux, amicaux, culturels, … : ils sont la conséquence de normes partagées et de valeurs communes, rassemblant des individus. Le terme, galvaudé pour désigner des technologies facilitant les échanges, doit être circonscrit, à minima dans le cadre de cette démonstration, aux individus (les acteurs d’un réseau social sont les individus, l’entreprise n’y joue aucun rôle, si ce n’est de proposer une technologie innovante).
Enfin les réseaux commerciaux se caractérisent par des intérêts (économiques) communs. Ils naissent de la relation existante ou potentielle entre clients et fournisseurs.
Ce premier découpage permet de préciser que trois réseaux sont le fait d’entreprises et/ou d’États: réseaux technologiques, réseaux géographiques, et réseaux commerciaux. Le quatrième, les réseaux sociaux, sont le fait des personnes (avec éventuellement l’État lorsque l’on se situe sur des ensembles administratifs, pilotés par la fonction publique).
A noter que les sociétés comme Facebook ont d’abord utilisé un réseau technologique (innovation), l’ont diffusé, ont exploité le besoin de socialisation de leurs utilisateurs et ont ensuite transformé ce réseau en réseau commercial, lorsqu’il a fallu monétiser la donnée en possession de l’entreprise.
Dans le cadre de la balance des externalités, nous n’allons donc pas traiter des réseaux sociaux, qui relèvent de choix individuels.
Les réseaux géographiques naissent par:
  • la volonté d’Etats, souhaitant développer des pôles économiques ou pôles de compétitivité,
  • la volonté d’entreprises, suffisamment forte pour développer un écosystème dans une région donnée.

Concernant les réseaux géographiques, nous parlons en général de cluster ou de pôle. Dans ce cadre, nous avons défini le réseau comme étant un moyen d’augmenter l’utilité d’un bien grâce à une concentration géographiques d’agents. Londres est ainsi devenu une place financière importante, grâce à une législation plus souple pour les banques et grâce au développement d’infrastructures dédiées (aéroport, la City, …).

Ces écosystèmes (concentration géographique) naissent aussi de la volonté d’entreprises. Toulouse, bastion d’Airbus, a vu se développer un cluster d’entreprise dans le secteur aéronautique. L’Etat y a aussi contribué, en installant des écoles dédiées, et en développant des infrastructures adaptées. Le réseau dans ce cas est en premier lieu géographique, mais devient aussi commercial grâce aux transactions économiques entre les différentes entreprises. A noter que le réseau géographique Toulousain est plus petit que le réseau commercial d’Airbus. Les deux ensembles de nœuds constituant ces deux réseaux s’intersectent mais ne sont pas égaux.
Quels sont les bénéfices / nuisances économiques liés à ce type de réseau ?
Pour les ressources physiques, ceci permet des gains dans les échanges (gains logistiques), permet de simplifier et d’optimiser les échanges. La contrepartie de ces gains est l’accès à une ressource, non renouvelable, le foncier, qui peut se tarir, avec un effet sur les prix. Pour l’instant, nous supposerons donc qu’il existe un équilibre, entre les gains logistiques et le coût d’accès aux ressources, dans la mesure où la seule ressource limitante, le foncier, dépend d’un marché, qui absorbe ces externalités.
A noter que le gain provenant de coûts logistiques plus faibles se traduit dans le prix, et indirectement dans la balance des externalités, avec une consommation de ressources moindre de la part de l’entreprise qui supporte ce coût.
Un réseau commercial naît de l’existence d’un lien, existant ou potentiel, entre un client et un fournisseur.
Si l’entreprise fournit un bien, grâce à un réseau commercial, le bénéfice du réseau se retrouve dans le chiffre d’affaires.
Les réseaux commerciaux reposent à la fois sur des réseaux sociaux (choix individuels) mais aussi sur des innovations (choix d’un fournisseur pour les innovations qu’il propose), proximité et coûts.
Dans quels cas l’utilité sociale d’un réseau commercial peut-elle différer de l’utilité privée ? Dans les deux cas, cela implique un délit de favoritisme ou de la corruption. En aucun cas, un réseau commercial peut être source d’externalité positive. Pour les externalités négatives, l’externalité est calculée par l’évaluation de l’impact de la corruption et du favoritisme sur la société.
Un seul cas peut éventuellement être considéré, et correspond au pouvoir d’intermédiaire. Néanmoins ce pouvoir d’intermédiaire doit nécessairement reposer sur une valeur ajoutée qu’aurait cette intermédiaire (volume, innovation, …). Ceci ramène donc à d’autres considérations, que nous traitons dans d’autres chapitres.
Les réseaux technologiques naissent d’innovations. La loi de Metcalfe prédit ainsi que l’utilité d’un réseau croît avec le nombre d’utilisateurs.  Toutes les innovations permettant de transporter un objet (matériel, informations, …) suivent cette loi. Ainsi la même règle (au facteur près) s’applique aux voitures (plus il y a de voitures, plus il y a d’infrastructures, et plus il y a d’infrastructure plus il y a de voiture), aux transports publics (plus il y a de passagers, plus il y a de bus, et plus il y a de bus, plus il y a de passagers), à internet (plus il y a de flux, plus les infrastructures augmentent, et plus il y a d’infrastructures, plus les flux augmentent), et aux réseaux sociaux comme facebook, twitter, … (plus il y a d’information sur les réseaux, plus il y a d’usagers, et plus il y a d’usagers, plus il y a d’informations).
De cette loi, nous pouvons prédire deux sources de gains:
  • L’utilisateur, ayant une utilisation constante, verra l’utilité du réseau augmenter (performances accrues), grâce aux autres utilisateurs qui l’empruntent,
  • L’entreprise vera le cout marginal  baisser (effet volume, par rapport aux couts fixes et investissements)
D’un point de vue de l’entreprise, celle qui propose une innovation, peut ainsi revendiquer être une source d’externalité positive, si sa technologie se démocratise. Ceci suit un cycle de vie (en cloche), jusqu’à ce qu’une nouvelle technologie se substitue à la précédente. Cette externalité est complexe à évaluer:
  • quelle est la part de responsabilité de l’entreprise dans l’innovation et le talent individuel d’un individu ?
  • quel rôle joue la société dans l’innovation technologique et leur diffusion ?
  • quelle est la quote part de l’effet de réseau d’internet dans le développement et donc les externalités de réseaux de Facebook ?
L’évaluation des gains sociaux pour les réseaux technologiques ne doit pas se limiter à l’évaluation d’un simple gain social. Prenons l’exemple d’une recherche Google.
Si l’on considère dans un premier temps, le gain social d’une recherche Google sans considérer la chaîne de valeur. Celui-ci correspond au temps de recherche dans une bibliothèque, sur une thématique donnée.
Petit calcul totalement arbitraire: fixons le temps à 1 heure de recherche avec déplacement en librairie, recherches des coupures, …, versus un résultat immédiat pour Google. Alors nous pouvons estimer le gain social (brut) a 6€ (l’heure prise comme moyenne mondiale). Google revendique en 2020, 2550 milliards de recherches par an… soit un gain social de 15 000 milliard de dollars par an, a peut pret 17% du Produit Mondial Brut.
Nous avons un souci. Effectivement le gain de la recherche arrive en bout de chaîne, et bénéficie d’un effet de réseaux reposant sur la mise en ligne de contenus, sur un réseau internet, des accès depuis les mobiles, …
De plus attribuer 100% du gain social à google est un raisonnement rapide: que serait google sans les millions de contributeurs, gratuits ou payants, que serait google sans l’utilisation des tag de recherches, …
Si nous intégrons une quote part (en prenant les investissements de google) versus l’ensemble des investissements sociaux qui ont permis de contribuer à l’internet, alors l’on tombe dans l’excès inverse: l’on se retrouve avec une quote part ridicule au regards de l’ensemble de contributions, pas seulement action de mettre sur internet, mais l’ensemble des productions de Babylone à nos jours. En effet, la transcription du théorème de Pythagore sur une page wikipedia, référencée sur Google, doit intégrer la contribution du scribe (le rédacteur Wikipedia), mais aussi celle de Pythagore, et de tous les intermédiaires qui ont permis la transmission de cette connaissance.
Nous avons exploré les deux extrêmes. Dès lors, comment intégrer la contribution sociale de Google. La seule possibilité est d’intégrer les frais de recherche et développement qui ont permis l’élaboration du modèle de recherche, et donc de créer une exception pour les innovations reposant sur un effet de réseau. De considérer que le coût de cette recherche est l’effort nécessaire pour obtenir un moteur de recherche dans l’environnement actuel.
Ceci n’est pas complètement incohérent car sans les moteurs de recherche, internet ne serait qu’un vaste foutoire, dans lequel les utilisateurs se seraient vite fatigués, et n’auraient pas autant contribué. Google s’est créé un monopole (par ailleurs source d’externalité négative dans le domaine économique), mais ceci a permis un effet de réseau, et un bénéfice social. Il faut simplifier, au risque de ne rien remonter.
L’effet de réseau comme source d’externalité est limité à quelques acteurs. Il doit faire l’objet d’une codification, et d’une norme spécifique pour en extraire le coût social.

Transcrire le bénéfice social d’un effet de réseau est complexe et dépend du modèle économique, mode de diffusion de l’innovation, gap technologique, …
Il faut pouvoir ainsi rationaliser les investissements mis en œuvre (à condition que les bénéfices soient en accès libre (pas une source de revenu), et les confronter à un gain (contrepartie). Dans le cadre de Google, l’algorithme de recherche, mis à disposition de tout le monde à permis de capter des informations, et créer une valeur commerciale (monétisation du trafic). L’on peut ainsi estimer que les montants investis au départ l’ont été avec dans l’espoir d’une monétisation. Il faut dans ces cas complexes, ignorer les externalités engagées. Ceci altère la lecture de la balance des externalités:

  • si l’on considère qu’un succès fulgurant, naît forcément grâce à la captation d’externalité (monopole, informations non produite par google, …) alors le solde sociétal est à la faveur de google (dette societale moindre),
  • si l’on considère que le progrès compense des externalités négatives (déplacement à la bibliothèque,…), alors le solde sociétal est en défaveur de google (dette societale plus élevée).

« Celui qui ne veut agir et parler qu’avec justesse finit par ne rien faire du tout » (Nietzsche).
Ainsi dans ce cadre, l’intégration des frais de recherche et développement dans une balance des externalités pour une technologie gratuite et disponible pour tous, semble être le meilleur compromis possible entre intégrer la notion de progrès dans la balance des externalités, et ne rien faire: une simplification necessaire au regard des autres enjeux.

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